Le coton de tous les jours
Le coton nous le connaissons et le côtoyons de très près depuis toujours. Il constitue une part significative de notre garde-robe et nous habille jusque dans notre intimité depuis notre plus tendre enfance. En tant que couturière, je pensais être particulièrement sensible et informée sur cette matière. Le coton m’apparaissait comme une évidence. Le tombé, le grammage, la douceur, bref, j’étais une « experte ». Quelle n’a pas été ma surprise de réaliser que je ne connaissais rien de la plante dont sont extraits ces filaments de douceur. C’est parti pour une petite mise en bouche sur la culture du coton.
Je vis depuis quelques années dans un pays producteur de coton. Peu après mon installation, lors d’une excursion, un ami m’a dit « tu as vu les champs de coton sont en fleur ! ». Je lui ai stupidement répondu « Ça ? Mais c’est un champ de patates, non ? »… La honte de la couturière !
J’ai finalement bien vite oublié ma honte et de découverte en excitation je me suis passionnée pour l’observation de ces champs qui s’égrènent le long des routes.
Au moment de la récolte, j’ai trouvé le moyen de me joindre au ramassage du coton. Une occasion de m’infiltrer « à l’intérieur » afin de découvrir cette plante merveilleuse. Je vous embarque dans cette folle aventure de « moissonneuse cotonnière » ?
Le cotonnier, c’est quoi ?
Pour commencer un point vocabulaire ! La plante dont est issue le coton s’appelle le cotonnier (de son nom savant Gossypium de la famille de Malvacées). Pour ma part, je continuerai à utiliser le terme galvaudé de : champ de coton, je ne suis pas à un abus de langage près!
Le cotonnier est un arbuste dont la taille varie entre 50 cm (dans les champs) et 10 m (pour les heureux cotonniers du monde sauvage). Dans les champs où le ramassage du coton est mécanisé (avec une sorte de grosse moissonneuse), les espèces plantées sont sélectionnées en accord avec la garde de la moissonneuse (la hauteur de son essieu), contrainte technique oblige.
Le coton est une plante vivace qui peut vivre une dizaine d’année… sauf dans les champs où le cotonnier est exploité de manière annuelle. Pourquoi ? Je n’ai pas obtenu la réponse. Mais, je suppose que c’est peut-être pour faciliter le travail des champs et des récoltes ? Ou bien pour s’adapter aux dictats de l’agriculture moderne qui veut que les champs soient retournés et mis à nu périodiquement ? En résumé, le cotonnier des champs est plus petit et vit moins longtemps que dans le monde sauvage pour s’adapter à la mécanisation de la récolte.
Le cotonnier est très exigeant concernant ses besoins climatiques. Il nécessite environ 120 jours de pluies abondantes pendant sa période de pousse (hé, ça pourrait le faire en Belgique dont je suis originaire ! ) Par ailleurs, il a besoin d’une période de soleil, de chaleur et de sécheresse pendant la période de maturation des graines. Il ne supporte absolument pas le gel (bon finalement, pour la Belgique, c’est mort ! ).
En réalité, les zones qui sont naturellement adaptées à la culture du coton sont les zones tropicales et subtropicales (de l’eau et de la chaleur, le tout en grande quantité).
Les zones n’ayant pas une pluviométrie de 700mm par an devront compenser le différentiel en irrigation. Pour vous donner une référence, 700mm, c’est pile-poil la moyenne annuelle Belge (mais si, vous voyez, le pays où il pleut tout le temps !). D’autre part, sans période sèche et chaude au moment de la maturation, les capsules et les fibres qu’elles contiennent pourriront avant d’arriver à maturité.
Bref le coton est exigent et sensible au climat.
La culture du coton: Au fil des saisons
Le coton fleurit en été, il a de superbes fleurs blanches-jaunes qui deviennent petit à petit rosées. La fleur est entourée de trois bractées (sorte de sous pétales) qui sont généralement très découpées. Elles protègeront la fleur des insectes nuisibles. Ces bractées sont considérées gênantes par les cultivateurs pour la récolte mécanisée parce qu’elle retiennent les fibres de coton.
La plante est si jolie et sa fleur si délicate qu’on se demande pourquoi elle n’a pas percé dans la décoration d’intérieur et la culture en pot. Mais là, je m’égare, il s’agit d’un autre sujet !
A la fin de l’été, la plante est complètement séchée. Les fleurs se sont transformées en de grosses capsules oblongues vertes tachées de rouge. Les bractées (souvenez vous, ce sont les sous-pétales dentés) sont complètement séchées mais encadrent toujours le fruit. A pleine maturité, les capsules s’ouvrent en quartiers et libèrent les graines entourées des douces fibres blanches. Chaque capsule contient entre 20 et 40 graines.
Les fibres de coton offrent une très bonne prise au vent ce qui facilite la dispersion des graines (dans le monde rêvé de la vie sauvage, pas dans les champs bien évidemment!).
La qualité du coton se mesure en centimètre et en résistance. Plus la fibre du coton est longue, meilleure est la filature et le tombé du tissu. La fibre de coton peut faire entre 1 à 5 centimètres de long. Un centimètre c’est trop court pour une utilisation textile tandis que cinq centimètres c’est le top du top.
Mais il n’est pas seulement question de taille (comme bien souvent). En effet, plus la fibre est longue, plus elle a tendance à être fine, ce qui est un atout pour le tombé du tissu. Son aspect se rapproche ainsi du fil de soie. Mais attention la finesse du fil ne doit pas compromettre sa résistance. En résumé : taille et résistance ! : what else !
Le temps de la récolte
A propos de taille, retournons à la culture du coton et à la moissonneuse. Elle est impressionnante la bête, mais en vrai, ça se conduit comme une bicyclette et la cabine est même climatisée. Les cotonniers sont bien martyrisés et secoués par le passage de la « grosse Berta ». C’est peut-être pour ça qu’ils sont replantés chaque année au fait ?
Les différentes capsules de coton sur une même plante n’arrivent pas à maturité au même moment. Idéalement, un double passage à quelques semaines d’intervalle est nécessaire pour assurer un ramassage complet de la récolte. Dans les faits, le premier ramassage peut, si il est judicieusement planifié, récolter 80% de la production du champ. La consommation en essence, voir le prix de la location de la moissonneuse ne justifie pas toujours la seconde repasse.
Et les poignées de coton restantes se dispersent librement au gré du vent jusqu’à la fin de l’automne.
Laissons le champ derrière nous et embarquons avec le coton vers sa première étape de traitement. Le cultivateur va emmener directement sa production du champ chez le grossiste. Les prix au kilo sont fixés par « le marché », il n’y a pas grand-chose à discuter. Par ailleurs, pas beaucoup de choix alternatif pour le cultivateur qui n’a pas les infrastructures nécessaires ni pour stocker ni pour prétraiter sa récolte. Au mieux, il a accès à plusieurs grossistes pour essayer de négocier.
Devant le stock de coton, les hommes parlent de leurs récoltes et de la météo, comparent les qualités des cotons et discutent des impacts géopolitiques lointains sur le prix du leur coton. De mon coté je contemple abasourdie la montagne de coton qui est manipulée, triturée et renversée par un Bulldozer. Je n’ai qu’une envie : aller me jeter dans cette montagne duveteuse.
Avez vous déjà pu toucher les boules de coton et leurs douceurs incroyables ?
Le grossiste va effectuer plusieurs étapes de pré-traitement. Premièrement, l’égrenage ou la séparation des graines et des fibres de coton. Les graines sont utilisées pour l’alimentation du bétail ou sont transformées en huile végétale. Le coton, est ensuite cardé (grossièrement peigné) pour libérer les impuretés (bouts de feuilles, branchages, etc) qui sont prises dans ses fibres. Les déchets organiques pourront être utilisés comme combustibles ou être compostés.
Enfin le coton est enfermé en balle standardisée de 500 kg. Il est prêt pour son second voyage.
La suite du voyage
Les balles de coton sont achetées par des filatures qui sont en charge de produire du fil. Les filatures revendront leurs productions à des manufactures qui sont en charge de faire le tissu. Elles revendront les tissus aux usines de confection qui elles sont en charge de faire les vêtements. De surcroît, chaque étape peut être interrompue par un arrêt chez des grossistes ou éventuellement dans les stocks des spéculateurs.
Quel voyage en perspective!
Nous verrons ensemble dans les prochains articles les étapes de la fabrication du fil et du textile, mais aussi les implications de la culture du coton à notre époque ainsi que les impacts socio-économico-environnementaux et consort.
Si le coton est tout doux et léger quand on s’apprête à le transformer en petite robe d’été, l’envers du décors est bien différent : c’est un secteur économique et industriel énorme qui est sujet à la frénésie consumériste de ces dix dernières années, aux spéculations, à la mondialisation, aux changements climatiques, etc.
Plein de choses en perspective à découvrir ensemble sur la vie cachée de nos tissus d’amour ! Inscrivez vous à la Newsletter pour ne pas manquer les prochains épisodes!
Très intéressant ! J’ai appris beaucoup de choses et si en Belgique ça ne peut pas pousser alors chez moi, au Québec, je peux faire une croix là-dessus 🙂
J’adore cette fibre toute douce., au point que j’ai réussi à me procurer 2 branches de coton. Je m’en sers pour décorer égoïstement dans mon atelier.
Merci.
Super article intéressant. Merci pour le partage de votre voyage j’aimerais beaucoup suivre en effet les autres étapes du coton . Passionné du crochet, j’utilise principalement le fil de coton et je trouve cela enrichissant de savoir comment et où provient le coton et le mode de production ! Les canaux de distribution ect .
Avec plaisir! J’ai partagé beaucoup plus d’informations sur le coton mais aussi sur d’autres fibres textiles dans mon livre le guide pratique des tissus (chez Mango Editions). et ça me fait toujours plaisir de savoir que le partage de ses informations intéresse d’autres créatives. merci beaucoup!
En Ouzbekistan, les débouchés sont, outre la fibre, :
– de l’huile, utilisée pour la cuisine et l’assaisonnement
– du savon à partir de l’huile obtenue par les graines
– les branches et racines, une fois séchées sont utilisées pour la cuisson du pain, dans les fours en brique traditionnels
DANS LE COTON, TOUT EST BON !
PS : dans les Bouches du Rhône, j’ai réussi à faire pousser du coton à partir de graines venant d’Ouzbékistan
NB : Là- bas la température oscille entre -40 et +40°C. Donc la plante est robuste. A planter en février, voire mars.
Merci beaucoup René pour toues ces infos. C’est clair que dans un agriculture raisonnée, tout peut être réutilisé dans la plante de coton ! Mais le problème, de la culture n’est pas tant une question de température, mais bien un question d’eau. C’ets une plante qui demande énormément d’eau au moment de sa croissance. C’ets une plante qui naturellement convient aux pays tropicaux. Mais jessayerai bien d’en planter chez moi. parce que franchement, la fleur est vraiment superbe !
Le problème de l’eau ne s’aborde pas en soi, mais par zone. Que je sache, le niveau des océans ne baisse pas. Au nord de l’Europe, l’eau ne manque pas. Par contre, dans les zones désertiques, le prélèvement de l’eau relève d’un choix : au profit de quelle populations, de quelles cultures ? Et surtout quelles infrastructures lourdes seront nécessaires pour l’amener? Cf Israël ou les USA en particulier.
Par expérience, je peux dire que l’arrosage du coton ne demande pas plus d’eau que pour les tomates.
Le coton est une plante fort utile pour l’humanité. La question du recyclage est posée. Mais ne serait-il pas intéressant de réfléchir à la possibilité de le cultiver dans des zones plus tempérées ou l’approvisionnement en eau est moins problématique ?
C’est une très bonne question. Mais le coton a aussi besoin de fortes chaleurs au moment de la maturité des fibres de coton. Les zones tropicales offrent des périodes très très humides suivies de périodes très très chaudes et sèches. Si c’est techniquement faisable d’amener de l’eau dans des zones chaudes, « trop sèches » pour le coton, il me semble difficile de faire l’inverse (amener de la chaleur dans des zones assez humides mais trop sèches). les choix qu’on fait certains pays dans l’infrastructure mise en place pour leur agriculture est aujourd’hui vraiment politique. Et l’impact sur les population, sur le réseaux social et sur l’environnement sont bien souvent sous-estimés… Mais le coton est une culture particulière. Parce qu’elle est incroyablement utile et peu remplaçable à grande échelle par un autre fibre naturelle.