Etat des lieux des certifications textiles durables, éthiques et/ou biologiques
De « coton durable » à « vêtements éthiques », les étiquettes des vêtements se remplissent d’appellations « vertes » jusque dans les rayonnages d’H&M. Mais que veulent dire ces certifications et ces logos ? Coton bio ? Manufacture éthique ? Avouez-le, on est vite perdu dans cette jungle de certifications !
Les règles de la Jungle des certifications « vertes »
Il existe plus de 100 certifications « éthico-durables » rien que pour le monde du textile. Pas étonnant qu’on soit perdu ! Voyons ensemble à quoi servent ces certifications.
Le textile (matière première pour la manufacture des vêtements) est principalement produit dans des pays à faible réglementation nationale, tant concernant la protection sociale que pour l’environnement. De plus, les règles internationales ne sont pas contraignantes (comme par exemple l’organisation mondiale du travail). Elles apportent une norme de comparaison, mais pas de garantie.
Parallèlement à ce manque normatif national et international, les consommateurs expriment une volonté croissante de consommer plus « éthico-durable ». Une étude réalisée dans 60 pays (Nielsen – 2015) montre que 66% de la population est prête à payer plus cher pour des produits et services «éthico-durables ».
De cette conjoncture sont nés quantité de certifications. Elles sont le fruit d’associations d’entreprises privées du secteur textile, mais aussi d’ONGs ou de centres de recherche.
Et c’est là que le bât blesse. Nombre de ces sociétés qui financent les organismes de certification sont parties prenantes du système de la fast-fashion. Elles encouragent des certifications incomplètes, imprécises et parfois trompeuses pour bénéficier de l’essor du marché « éthico-durable » sans remettre en question le modèle de la fast-fashion.
En résumé, les certifications peuvent servir de couverture pour des sociétés qui veulent simplement profiter de ce qu’elles estiment être une nouvelle tendance. C’est du pur green-washing (tentative de traduction :« vert lavage », « verte teinture ») !
Heureusement, toutes les sociétés et toutes les certifications ne sont pas concernées.
Quelles failles dans les certifications « éthico-durables » ?
Il existe des certifications plus complètes, plus contraignantes ou plus garanties que d’autres. Voici les principales faiblesses de certifications qui sont exploitées par les entreprises de la fast-fashion :
- Certification ciblée : La certification ne couvre qu’une partie de la chaine de production. Par exemple, uniquement les matières premières, ou uniquement l’usage de produits chimiques durant la production des vêtements, etc. Ces certifications peuvent être utilisées de façon particulièrement trompeuses parce que le vêtement est étiqueté « éco-durable » sans autre précision. L’étiquetage laisse croire au consommateur que l’entièreté du vêtement est « éthico-durable ».
- Certification peu ambitieuse : Une certification se doit de fixer un cadre (ciblé ou complet) et des critères sur chaque étape qu’elle certifie. Certaines certifications ont du mal à fixer des critères ambitieux et clairs. Les critères sont parfois tellement vagues qu’ils deviennent inutiles. Par exemple Oeko-tex recommande l’approvisionnement des matières premières « à des fournisseurs qui peuvent prouver leurs responsabilité et leur durabilité (« sustainability ») ». Comment ? Avec quelles garanties ? Aucune précision sur le sujet. De facto, cette ambition de la certification devient simplement une recommandation qui finalement est ignorée.
- Certification en auto-évaluation : La certification est une substitution à la confiance. Si vous connaissez un producteur de carottes, vous n’avez pas besoin qu’il soit certifié. Vous pouvez parler avec lui et lui faire confiance sur sa démarche et son sérieux « éthico-durable ». Les certifications amènent ce cachet de confiance pour des sociétés qui ne peuvent pas nous convaincre de visu. Mais comment s’assurent t’elles du respect de leur norme auprès des sociétés certifiées ? Certaines certifications font le choix de l’auto-évaluation. Parce que l’évaluation de chaque fournisseur sur de nombreux critères, chaque année, coûte extrêmement cher. Cela permet il vraiment d’avoir pleinement confiance ?
- Certification dépendante et opaque : Une certification qui est principalement financée par de grandes sociétés de la fast-fashion va t-elle pouvoir imposer le niveau de standard et de vérification nécessaire pour éviter le green-washing?
La transparence et l’indépendance des organismes de certification sont cruciales pour maintenir la confiance du consommateur.
Revue des certifications textiles principales
Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Les certifications ne sont pas toutes trompeuses à dessein. Cependant, un consommateur averti en vaut mille et la petite revue des certifications textiles ci-dessous vous permettra d’identifier plus facilement les pièges du green-washing !
Il existe plus d’une centaine de certifications « éthico-durables » pour le textile. Les certifications les plus visibles sur le marché textile sont analysées ci-dessous.
- OEKO-TEX
- BCI : Better Cotton Initiative
- EU Ecolabel de la Commission Européenne
- GOTS : Global Organic Textile Standard
Oeko-tex : la protection de la santé du consommateur avant tout
Le standard 100 de Oeko-tex garanti que le produit final ne contient aucun des produits identifiés comme dangereux pour la santé du porteur du vêtement. C’ets la certification la plus courante chez Oeko-tex.
Cette certification NE garantit PAS :
- que les matières premières sont biologiques. Les OGM, pesticides et engrais chimiques sont autorisés.
- que les produits chimiques dangereux ne sont pas utilisés durant la production. Ils peuvent être utilisés tant qu’ils sont retirés du vêtement avant sa commercialisation
- que le traitement des déchets (en particulier les déchets liquides) est optimal. Le standard 100 ne traîte pas du tout du traitement des déchets.
Ce standard ne couvre donc aucune étape de production. Il se base uniquement sur le produit fini.
Par ailleurs Oeko-tex a mis en place un processus de certification des usines de production textile (STeP) qui traite l’utilisation et le traitement des produits chimiques. Cependant, cette certification ne restreint pas les produits chimiques nécessaires à la production de la viscose (CS2) et n’est pas nécessaire pour la certification Oeko-tex des vêtements avec le label Standard 100.
Le résultat est compliqué et porte certainement à confusion pour personne non-expert de ce panel de certification. Toute certification Oeko-tex doit être détaillée (Standard 100, STeP, Made in Green, etc) sinon elle ne veut rien dire.
« Better Coton Initiative » (BCI): Une initiative, mais pour certifier quoi ?
La certification BCI a été créée par le partenariat entre le WWF et un ensemble de mammouths du monde textile (H&M, Adidas, GAP, IKEA, etc). Les objectifs de cette initiative sont :
- Réduire les pesticides dans la culture du coton.
- Réduire la consommation en eau.
- Augmenter la qualité des sols de culture.
- Maintenir un niveau de qualité des fibres de coton.
L’association BCI a mis en place un système de bonnes-pratiques et des manuels pour atteindre ces objectifs. Il n’existe pas de critères clairs pour mesurer l’atteinte des objectifs. Par ailleurs, rien n’est spécifiquement interdit (OGM, pesticides, engrais synthétiques, etc.).
La philosophie de base est que chaque cultivateur de coton doit s’inscrire sur un chemin qui tend vers plus de « durabilité ». C’est pour cette raison qu’il n’y a pas de critères définis de ce qui est accepté ou non. Ce qui est important, c’est de progresser dans la bonne direction.
Cette philosophie est largement défendable et les objectifs du BCI sont louables. Mais couplée à une auto-évaluation des fournisseurs pour garantir eux-mêmes leur progression sur le chemin de la « durabilité », c’est un peu nous faire croire au monde des Bisounours.
L’initiative BCI ne couvre pas l’aspect « éthique » de la production de coton (salaire minimum, etc.).
Vous comprenez qu’en termes de transparence et d’indépendance, le coton BCI n’est pas le roi de sa catégorie.
EU Ecolabel : le cycle de vie complet des vêtements
Cette certification porte exclusivement sur les critères environnementaux et non sur les critères sociaux. L’ensemble du cycle de production des vêtements est pris en considération (de la production de la fibre à la manufacture du vêtement). Tout produit commercialisé en Europe peut prétendre à cette certification même si il est produit en dehors de l’UE.
L’EU Ecolabel assure une optimisation de la consommation en eau et du traitement, recyclage des déchets et en particulier des rejets liquides.
Cependant, cette certification NE garanti PAS :
- que le coton est biologique. Cette certification s’applique pour les fibres naturelles et synthétiques,
- que la viscose est produite en accord avec les meilleures techniques disponibles pour la protection de l’environnement.
L’EU Ecolabel est révisé tous les 4-5 ans. Ce qui ne permet pas toujours de rester à la pointe des meilleures technologies environnementales disponibles.
GOTS : globale et véritablement « éthico-durable »
Le « Global Organic Textile Standard » (GOTS) est la certification la plus complète. Elle couvre les aspects environnementaux, de la culture (pas d’OGM, de pesticide, d’engrais synthétique, etc.) à la confection des vêtements (teinture, traitement du textile, manufacture des vêtements, etc.). C’est la seule certification traitée dans cet article qui garanti que le coton soit biologique, du moins pour un certain pourcentage du vêtement fini. 95% de fibres d’un vêtement doivent être de provenance biologique pour qu’il soit certifié GOTS. Cela inclut les étiquettes, fermetures éclairs, ruban de décoration, thermocollant, etc.
Par ailleurs, cette certification transversale couvre aussi les aspects sociaux. Ils ne sont clairement pas la priorité de GOTS. Le critère fondamental est le respect du règlement mondial du travail principalement pour les étapes de traitement du coton et de confection des vêtements (travail des enfants, heures supplémentaires, salaires décents, etc.).
La certification des sociétés et fournisseurs est assurée par un contrôle annuel sur l’ensemble des critères.
C’est la certification de tous les fournisseurs des tissus bio de Mars-elle.com.
Résumé certification textile
Voici le resumé des quatre certifications analysées:
Halte là, green-washing !
Vous comprenez aisément à la lumière des résumés ci-dessus que les certifications « éthico-durables » peuvent facilement être utilisées à des fins purement marketing. Tromper un consommateur qui veut s’engager dans une consommation responsable n’est pas si compliqué. Certaines marques font du pur green-washing sans volonté de progresser sur un chemin « éthico-durable ».
Cette dérive est largement dénoncée par le rapport « The false promise of certification » ( Changing Market Foundation – 2018) et par « Clean Clothes Campaign ».
Cet état des lieux des certifications est loin d’être exhaustif. Renseignez-vous en partagez autour de vous, avec vos familles, amis, collègues et même ici, les informations, les questions sur le sujet. Il existe une quantité d’autres labels et standards à investiguer qui balisent et garantissent, plus ou moins, les aspects éthiques et/ou environnementaux.
Mais vous comprenez maintenant, qu’une étiquette « coton durable » ne donne pas nécessairement toute l’information pour vous permettre de faire un achat engagé!
Un consommateur averti en vaut mille ! Gardez l’œil ouvert!
Pour aller plus loin :
- Oeko-tex
- BCI
- EU ecolabel
- GOTS
- « The false promise of certification » (Changing Markets Foundation report – 2018)
- Clean clothes campaign